Covid-19: Les critiques contre l’application demeurent vives

De nombreuses personnes estiment que Bluetooth n’est pas assez fiable ou encore que l’application ne garantira pas l’anonymat.

L’EPFL a beau affirmer tout faire pour respecter l’anonymat des utilisateurs de l’application, les critiques contre l’app demeurent vives. Certaines concernent la technologie en elle-même, d’autres ont trait aux (trop grands) espoirs mis dans l’application ou encore dans l’utilisation des données. Intéressons-nous aujourd’hui à cinq de ces critiques.

1. La fiabilité de Bluetooth en question

«Comment la distance sera-t-elle déduite du signal Bluetooth? On affirme au grand public que cet outil a une précision absolument irréaliste», affirme Paul-Olivier Dehaye, fondateur des organisations PersonalData.io et MyData Geneva. Le mathématicien n’est de loin pas le seul à remettre en question la pertinence d’utiliser Bluetooth pour calculer la distance entre deux téléphones. «C’est vrai, Bluetooth n’a, à l’origine, pas du tout été conçu pour cela, cette technologie sans fil permettant même de diffuser des données sur plus de 100 mètres, répond Alfredo Sanchez, chef du projet EPFL pour le déploiement de SwissCovid. Mais c’est pour cela que nous avons conçu le système de manière à utiliser Bluetooth dans un mode de faible puissance. Nous avons beaucoup travaillé, au sein de l’EPFL et l’ETHZ, pour calibrer les interfaces (API) de Google et Apple de manière conservative pour limiter les faux positifs en éliminant les signaux provenant de plus de 2 mètres. Nous collaborons activement avec Apple et Google pour améliorer cette précision.»

2. Une technologie toute-puissante?

Jean-Henry Morin, professeur de systèmes d’information à l’Université de Genève, met en garde contre la tentation de croire que la technologie, seule, va résoudre tous les problèmes et que l’on peut lui faire une confiance aveugle. Face à cette critique, Alfredo Sanchez réplique que «nous avons pleinement conscience que l’application n’est qu’un moyen parmi d’autres de tracer les chaînes de contamination. La technologie, dans ce cas, peut être très utile. Mais elle ne doit être considérée que comme complémentaire au traçage classique effectué par les autorités sanitaires.» Selon le chef de projet de l’EPFL, ses ingénieurs n’estiment pas détenir, avec l’application, la solution unique contre le virus. Alain Berset l’a aussi répété à plusieurs reprises, ce programme n’est qu’une facette de la lutte contre le coronavirus.

3. Des risques de dérives

Jean-Henry Morin craint aussi des abus de toutes sortes: surveillance, smartphone à usage unique pour cibler et identifier des personnes précises, smartphones cachés dans des lieux de passage, etc. L’anonymat des personnes qui utilisent l’app peut-il aussi être totalement garanti? À cette dernière question, Alfredo Sanchez réplique qu’«aucune entité ne peut tracer des utilisateurs qui ne se sont pas déclarés positifs. Lorsqu’un utilisateur s’annonce positif il partage des clés éphémères qui ne sont pas reliées à son identité.»

Quid des risques d’abus? Le chef de projet de l’EPFL ne nie pas que certaines personnes mal intentionnées soient tentées de pousser le système à ses limites, en utilisant du matériel dédié dans le seul but d’identifier précisément le passage d’un téléphone de personnes qui se déclareront positives par la suite.

4. Et pour les largués du numérique?

Quid des personnes qui ne peuvent pas télécharger l’application, même si elles le voulaient: les gens qui ne possèdent pas de smartphone, les gens qui en possèdent un mais ne savent pas télécharger une application… Et ce sont parfois les personnes âgées, les plus vulnérables au virus.

5. La pression sociale

C’est un point important sur lequel devront se pencher de manière continue les autorités politiques: l’application sera utilisable sur une base volontaire et elle ne sera jamais imposée – la loi est claire à ce sujet. Mais il est tout à fait possible que des restaurateurs, des responsables de magasins, des employeurs ou simplement le cadre familial fassent pression, de manière douce ou appuyée, pour que certains individus utilisent cette application.

Source: Le Temps