Pourquoi de plus en plus de gens quittent WhatsApp pour l’app Signal?

Signal connaît une très forte augmentation de ses inscriptions au point de subir des phases de saturation.

En cause, un changement des conditions d’utilisation de WhatsApp, qui pousse de nombreux utilisateurs à quitter la plateforme.

De nouvelles conditions d’utilisation sur WhatsApp

La raison d’un tel afflux vient d’ailleurs : c’est avant tout une fuite des utilisateurs et utilisatrices de WhatsApp. Le 8 février prochain, la célèbre application de messagerie, propriété de Facebook, modifiera ses conditions d’utilisation : il ne sera plus possible de l’utiliser si l’on refuse le partage de données personnelles avec Facebook. L’entreprise précise toutefois qu’en raison des règlementations européennes, ce changement ne devrait avoir que peu d’impact pour les utilisateurs et utilisatrices en Europe et en Suisse.

Depuis quelques semaines, en cas de connexion à WhatsApp, il est donc demandé de prendre connaissance et d’accepter ces nouvelles conditions. Le partage de données avec Facebook n’a pas de visée directement publicitaire pour l’heure, mais doit permettre aux entreprises qui utilisent WhatsApp de mieux cibler leurs échanges avec les consommateurs. S’il était possible de refuser cela jusqu’à présent, ce sera désormais obligatoire.

Pour celles et ceux qui ne souhaitent pas consentir à ce transfert de données, Signal se pose comme une alternative crédible.

Lancé en 2014, le logiciel a été à plusieurs reprises salué pour son respect de la vie privée. En 2020, la Mozilla Foundation (qui développe Firefox) l’a désignée « application de communication la plus sécurisée ». En février dernier, la Commission européenne l’a conseillée à tous ses salariés pour la communication avec les personnes extérieures.

Si tu souhaites tester Signal, l’École de la pomme te propose une procédure pour son utilisation avec VoiceOver.

Qui est derrière la messagerie et comment est-elle financée?

Ce ne sont pas des questions insignifiantes : pour s’en apercevoir, un petit tour sur les réseaux sociaux suffit pour constater que de nombreux internautes ont jugé utile de partager les réponses, même Signal a été amené à livrer quelques explications sur son compte Twitter au fil des ans pour éclairer celles et ceux qui demandaient des précisions.

Qui est derrière Signal?

À l’origine de Signal se trouve un Américain, Moxie Marlinspike. Sur son blog, il se décrit comme marin, hacker, charpentier et ingénieur logiciel. « J’aime la sécurité informatique et le développement de logiciels, en particulier dans les domaines des protocoles sécurisés, de la cryptographie, de la vie privée et de l’anonymat. Mais je déteste aussi secrètement la technologie », dit-il.

Moxie Marlinspike est un pseudonyme. L’intéressé est très discret sur son passé et ses origines. On sait qu’il est né dans l’État de Géorgie et qu’il vit aux dernières nouvelles en Californie. C’est en 2010 qu’il se penche vraiment sur la sécurité des communications, en lançant une application pour protéger les discussions vocales (RedPhone) et une autre pour les messages écrits (TextSecure).

Pour superviser le tout, une startup, Whisper Systems est lancée, qui devient en 2013 Open Whisper Systems quand Moxie Marlinspike bascule dans une approche de code source ouvert. Cette ouverture permet au développement de RedPhone et TextSecure de se poursuivre. Les deux applications finissent par être réunies en 2015 dans une seule et même application, Signal.

Moxie Marlinspike pourrait être qualifié de libertaire, ou d’anarchiste — c’est d’ailleurs avec ce deuxième qualificatif que Wired a titré son portrait. Le magazine dit de lui que pendant longtemps, il a tenu pour acquis que l’autorité était l’ennemi. Cette méfiance envers l’État a déteint sur ses activités, car il a mis à profit ses compétences en cryptographie pour que les internautes puissent accroître leur confidentialité.

« Quand j’étais jeune, l’insécurité d’Internet avait quelque chose d’amusant », disait-il en 2016 au magazine. Et puis, le Patriot Act est passé par là, comme les spectaculaires révélations d’Edward Snowden en 2013. sur la surveillance de masse sur Internet. « Maintenant, l’insécurité d’Internet est utilisée par des gens que je n’aime pas contre des gens que j’aime : le gouvernement contre le peuple ».

Comment Signal est-il soutenu?

À ces débuts, en 2013, Open Whisper Systems a été financée par l’Open Technology Fund, une association à but non lucratif soutenue par les États-Unis. L’OTF déclare « s’engager à faire progresser la liberté d’Internet dans le monde », en soutenant « des projets axés sur la lutte contre la censure et la surveillance ». La première année, l’OTF a versé 500’000 dollars et au total 2,3 millions de dollars au fil des ans.

En 2018, une bascule importante a lieu. Il est décidé de soutenir Signal à travers la mise en place d’une fondation indépendante et à but non lucratif. Ce n’est pas n’importe quelle forme d’organisme à but non lucratif qui est retenue : c’est la 501c3, qui a pour avantage de l’exempter d’imposition fiscale. Cette forme lui permet en outre de recevoir des dons du public pour poursuivre ses activités.

Il est à noter que la fondation a justement reçu dès 2018 un don très généreux de la part de Brian Acton, l’un des deux créateurs de WhatsApp. L’intéressé, qui a quitté WhatsApp en 2017, a versé 50 millions de dollars. Il a au passage décroché un siège dans le conseil d’administration où siège aussi Moxie Marlinspike. Une troisième personne, l’universitaire Meredith Whittaker, complète le conseil.

Si le soutien financier de Brian Acton a permis à la Fondation Signal de débuter ses activités l’esprit léger, c’est en fait surtout à travers la générosité des internautes que l’avenir du projet va se jouer. De fait, le financement de Signal est plus clair et moins sujet aux critiques, notamment face à Telegram, puisque ce dernier s’oriente vers un business model avec de la publicité.

Enfin, un organisme à but non lucratif ne peut pas être vendu, ce qui lui assure un degré de protection supplémentaire et évite les mauvaises surprises dans quelques années. Faute de mécanisme de propriété, si la Fondation Signal mettait met fin à ses activités, le conseil d’administration devrait distribuer tous les actifs de l’organisation à une autre structure ayant la même forme juridique, une fois les dettes réglées.

Source: Futura