Week-end de l’école de la pomme du 4 au 6 juin 2022

Découvre l’histoire de la pension qui nous a accueillies et surtout celle de Françoise, notre hôtesse.

C’est déjà la cinquième fois que l’École de la pomme organise son désormais traditionnel week-end à la pension Pas de Lona, chez Françoise et Gaby Moix à Eison dans le Val d’Hérens. Cette année, cette rencontre a revêtu un caractère particulier, puisque les neuf participantes et participants, les deux formateurs et les personnes accompagnantes en ont profité pour fêter les dix années d’existence de l’École de la pomme. Voici un très bon article paru dans un supplément du journal Le Nouvelliste.

Une hôtesse née

En visite à la pension Pas de Lona, le temps semble s’être arrêté. Dans le cadre idyllique d’une vallée latérale du Valais, Françoise Moix s’occupe de ses hôtes comme au bon vieux temps.

Andreas Zurbriggen

Photo: François et Gaby se réjouissent de vous accueillir.
Légende: Photo: François et Gaby se réjouissent de vous accueillir.

Il existe encore, ce Valais que l’on croyait perdu, celui qui ne s’est pas encore soumis aux modes des flux touristiques internationaux et qui n’a pas perdu son âme à cause d’innombrables nouvelles constructions et transformations. Ce Valais supposé disparu continue de vivre chez Françoise Moix à Eison (Saint – Martin), à 1650 m d’altitude.

Photo: Vue automnale d'une forêt de mélèzes en-dessous de la Maya au niveau de Tsalet.
Légende: Vue automnale d’une forêt de mélèzes en-dessous de la Maya au niveau de Tsalet.

Dans un petit hameau sur le flanc est du Val d’Hérens. elle tient depuis des décennies la pension Pas de Lona avec son mari Gaby. L’hôtel respire le charme d’une vallée de montagne ancestrale. Les chambres revêtues de bois local sont volontairement laissées en l’état depuis les années 1960, les douches ne sont donc disponibles que sur le palier. « Il est très important pour nous de préserver l’atmosphère de cette maison », explique l’hôtesse de 74 ans.

La pension a été construite à l’origine par le grand-père de Françoise Moix comme une grande maison familiale en 1932. Par des récits, elle sait que « Lorsque les randonneurs passaient par le col du Pas de Lona, ils croyaient souvent que le grand bâtiment était une auberge et frappaient à la porte. » Il n’y avait alors pas de connexion le soir pour rejoindre Sion. La famille mettait ses propres lits à la disposition des hôtes et ne demandait souvent que quelques francs en échange. C’est ainsi que l’hospitalité à Eison a commencé.

Pas de moyenne saison

Françoise Moix, née Pralong, est née à la pension Pas de Lona. Sa mère Catherine dirigeait alors l’auberge. « Nous, les trois enfants, devions toujours aider à l’hôtel, nous n’avions pas de jeux, mais nous en inventions nous-mêmes », se souvient-elle. Celui qui épluchait les pommes de terre le plus rapidement sortait vainqueur. Même le midi, alors qu’elle aurait dû étudier, Françoise Moix devait travailler à la cuisine et faire la vaisselle. « Dieu t’aidera à passer ton examen » disait sa mère. « Il ne m’a pas toujours aidée », dit aujourd’hui Françoise en souriant.

Photo: La pension du Pas de Lona face au panorama du Val d'Hérens.
Légende: Photo: La pension du Pas de Lona face au panorama du Val d’Hérens.

Françoise Moix a travaillé toute sa vie sans relâche. Jusqu’à nos jours, cela n’a pas changé. Elle ne s’accorde une pause qu’au mois de novembre et pendant quelques jours au mois de juin. Dans les centres touristiques comme Crans – Montana ou Saas Fee, les hôtels restent souvent fermés plusieurs mois pendant la moyenne saison. Mais pas à Eison. En mai, l’hôtel propose des cours de yoga, le mois d’octobre est propice aux randonnées dans les forêts de mélèzes dorés et en hiver, les clients peuvent découvrir la vallée enneigée en faisant des randonnées hivernales, des randonnées à ski ou du ski dans les domaines de Nax ou d’Évolène.

L’authenticité d’une vallée

Le massif montagneux de Veisivi veille majestueusement sur le Val d’Hérens. La terrasse de la pension Pas de Lona offre une vue magnifique sur cette vallée d’où sont originaires les vaches noires de la race d’Hérens, habituées au combat, et qui a vu naître des personnalités marquantes, comme la couturière Marie Métrailler, qui attirait par sa sagesse des gens d’ici et d’ailleurs pour bavarder dans son magasin de tissus. La journaliste Marie-Magdeleine Brumagne, qui travaille à Lausanne, a retracé sa vie émancipée dans un livre à succès.

Les artistes et les écrivains sont également attirés par la pension Pas de Lona. Dans les années 1980, le poète haut-valaisan Pierre Imhasly a échoué par hasard à la pension Pas de Lona. Il a été accueilli comme un fils par Catherine Pralong, la mère de Françoise, et a passé plusieurs mois dans l’auberge. Il retrouva le courage de vivre et commença à concrétiser à Eison un projet qui est resté singulier dans le paysage littéraire germanophone: la « Rhône Saga », une opulente œuvre d’art totale parue en 1996 (non traduite en français). « Nous avons tout de suite senti qu’un vrai poète vivait chez nous », se souvient Françoise Moix.

« Cet hôtel, c’est toute ma vie »

Pierre Imhasly est devenu un ami de la famille. « De nombreux hôtes sont devenus des amis au fil des années » déclare Françoise Moix avec une certaine satisfaction. Quiconque a fait l’expérience de son sens de l’hospitalité ne s’en étonnera pas. « Avoir des gens autour de moi, j’en ai besoin comme de l’air que je respire », déclare l’hôtesse. Françoise Moix n’a quitté que très rarement son village natal pour de longues périodes. Enfant, elle gardait les vaches dans les mayens de la vallée pendant les mois d’été. À l’époque, les enfants des vallées latérales du Valais n’allaient à l’école que six mois par an. Des dames aisées venues de Lausanne ayant le sentiment qu’elle n’apprenait pas assez, emmenèrent sans hésiter la petite Françoise pour quelque temps sur les bords du lac Léman et lui permirent de fréquenter l’École Vinet. « J’avais un niveau d’éducation beaucoup plus bas que les fillettes de Lausanne et je me sentais perdue » se souvient-elle.

Quelques années plus tard, jeune adulte, elle a suivi une formation de six mois à Sion, au cours de laquelle elle a été initiée aux métiers de l’hôtellerie et de la restauration. Depuis, elle est restée fidèle à Eison et dirige avec amour l’exploitation familiale. « Cet hôtel, c’est toute ma vie » résume la mère de trois enfants. Ses trois enfants et ses six petits-enfants l’aident sporadiquement dans l’entreprise, par exemple lorsqu’elle a besoin de quelqu’un pour racler le fromage à raclette.

Du lard produit sur place

Le bon vieux temps n’est pas encore révolu au Pas de Lona. Françoise Moix et son mari Gaby produisent eux-mêmes de la viande séchée et du lard, et une grande partie des légumes sont cultivés dans leurs propres jardins. Pourtant, l’air du temps n’épargne pas non plus le Val d’Hérens. « Au tournant du millénaire, il était encore courant que certains clients s’installent pour trois ou quatre semaines en été, alors qu’aujourd’hui, la plupart ne restent qu’un ou deux jours à l’auberge », précise Françoise Moix, en évoquant sans doute le plus grand changement. La pension Pas de Lona n’est pas présente sur les plateformes en ligne comme « Booking ». Aucune publicité n’a été faite au cours des 20 dernières années. Il semble que les hôtes succombent d’eux-mêmes au charme de la pension Pas de Lona.

Après la Deuxième Guerre mondiale, ils venaient en grand nombre de Belgique, aujourd’hui, ils viennent essentiellement de Suisse. La seule pension du village est également un point de repère important pour les habitants. « Autrefois, les gens allaient se confesser au prêtre, aujourd’hui, ils me racontent leurs soucis autour d’un verre de vin », explique Françoise Moix. Parfois, ce rôle, qu’elle ne choisit pas toujours, lui pèse. Mais il y a un rôle qu’elle sait parfaitement jouer : celui d’hôtesse. Quoique: elle ne le joue pas, elle le vit.

Suggestion de randonnée

Pour avoir une belle vue de l’authenticité du Val d’Hérens, rien ne vaut une randonnée d’Eison (St-Martin) à Évolène, élu plus beau village de Suisse romande en 2012. En deux heures et demie environ, on traverse de jolis mayens et on jouit d’une vue magnifique sur les sommets de la vallée, en particulier sur l’imposant massif de Veisivi. La randonnée peut aussi être planifiée sous forme de circuit. Le retour d’Évolène à Eison (Saint-Martin) peut se faire par un itinéraire alternatif qui passe légèrement en contrebas de l’aller et se termine à quelques mètres du centre d’Eison. Le circuit dure environ cinq heures et demie.

Source: Le Nouvelliste